« À propos de l’OVNI » : petite histoire d’une grande photo
Janvier 2023, alors que je regarde le ciel par la fenêtre de mon bureau, laissant mon esprit divaguer, un souvenir d’enfance resurgit : une fascination, qui dura quelques années, pour les extraterrestres et leurs soucoupes volantes. Je me dis alors : « Tiens, parle-t-on des ovnis en Belgique sur le Web ? ».
Quelques clics plus tard, je tombe sur l’incroyable histoire, parmi les plus célèbres au monde, d’une photo d’ovni truquée prise par un jeune belge en 1990. Mais ce qui me sort définitivement de toute autre activité ce jour-là, c’est que l’auteur du cliché habiterait à quelques kilomètres de chez moi, à Petit-Rechain (Wallonie, Belgique). Je retrouve facilement son identité et le contacte par Messenger.
Il répond. Je demande son numéro. Il me le donne. Ça y est, je suis comme un gosse. Une semaine plus tard, j’arrive devant sa maison, caméra à la main, pour immortaliser la rencontre et connaitre l’histoire de sa photo. La presse, écrite et télévisée, spécialisée et grand public, s’était évidemment déjà emparée du sujet mais, moi, je n’avais qu’une obsession : rencontrer la légende…
Spoiler : dans cet article il y a un lien YouTube vers le court film né de cette rencontre, mais patience : il ne s’apprécie vraiment qu’avec la lecture complète…

CONTEXTE : LA PURE ATMOSPHÈRE 90s À LA SAUCE BELGE
Je suis né en 1986. Dans les années 90, l’univers du « paranormal », incluant les histoires de soucoupes volantes et d’extraterrestres, occupait une place de choix en librairie, dans les films et les séries TV. Parmi les plus célèbres, la série américaine « X-Files : aux frontières du réel » diffusée dès 1993 sur nos petits écrans fut, comme pour beaucoup d’autres, ma porte d’entrée vers le monde de l’étrange. Dans ces mêmes années, des magazines consacrés à l’ufologie (étude des ovnis et phénomènes associés) fleurissaient. J’ai notamment découvert « l’affaire Roswell » dans l’une de ces revues, et les photos qui illustraient l’article (les recherches Internet n’existaient pas vraiment, rappelez-vous) boostèrent ma curiosité pour cet univers mystérieux. Et me voilà, moins de 10 ans, comme des milliers de gosses et d’ados à travers le globe, à rêver (et un peu flipper aussi) d’un autre monde devant ces images imprimées.
Mais c’était tout sauf une histoire d’enfants…
Avez-vous entendu parler de la « Vague belge d’ovnis » ? J’ai lu pour la toute première fois cette expression en janvier 2023, pendant mes recherches sur la fameuse photo baptisée en toute simplicité « La photo de Petit-Rechain ». Je fais court : entre 1989 et 1991, un nombre sans précédent de personnes vont affirmer avoir observé des objets volants non identifiés dans le ciel belge, rapportant souvent une description similaire : un triangle et quatre feux lumineux. Nous ne sommes encore très loin de l’IA et autres Deep Fake : les témoignages, les photos et vidéos sont encore pris au sérieux jusque dans les plus hautes instances…

Mais retour en 2023 : me voilà planté devant la porte d’un célèbre inconnu …
« RENCONTRE AVEC UN TYPE«
Adresse griffonnée sur un bout de papier, le GPS m’emmène dans une rue en pente composée de modestes maisons de ville, plutôt classiques pour la zone géographique. Celle de mon rendez-vous est plus imposante que les autres avec une large porte de garage. Je sonne à la porte, des chiens aboient. Le propriétaire m’ouvre, aucun doute, c’est lui. Lui, c’est Patrick. Il porte des petites lunettes rectangulaires, une chemise noire partiellement ouverte laissant apparaitre quelques colliers. Il est comme je l’ai vu dans les extraits de journaux télévisés. Il m’invite à monter et me préviens : « il y a pas mal d’animaux, ils sont gentils. » Il enferme quand même un chien plus imposant.
On passe devant des portes fermées communiquant directement avec l’escalier en bois : » Là ce sont les chambres« . Les pièces de vie se trouvent à l’étage. On entre. Une dame se tient debout. Je la salue. « C’est mon épouse, elle ne veut pas être filmée« . Elle acquiesce sans dire un mot et passe dans le salon. On s’assoit dans la cuisine. Tout est en vérité extrêmement banal mais, à cet instant, je vois du mystère partout.

De là, nous faisons connaissance et je lui pose des questions. Il me sort des boîtes de diapositives, des gros livres, des articles de journaux soigneusement conservés… Après lui avoir expliqué le pourquoi de ma démarche, non commerciale et guidée par ma seule curiosité, je commence à filmer pour immortaliser nos échanges en vue, c’est vrai, de les partager à un moment. Je l’avais prévenu par téléphone, il est ok. « J’ai l’habitude avec cette photo, j’ai vu passer plein de journalistes« .
On commence par descendre dans son garage, un peu encombré.
Il veut « me montrer quelque chose »…
C’est maintenant qu’il faut regarder le film (6 minutes) en cliquant sur l’image :
Il existe de nombreux articles sur « la vague belge », et notamment sur l’organisation surréaliste que fut la SOBEPS, Société Belge d’Étude des Phénomènes Spatiaux. Patrick m’a d’ailleurs beaucoup parlé de ce fameux groupe d’enquête belge, qui s’est largement intéressé au cas de sa photo, entre autres à travers la publication de livres. Je n’ai pas mis tout ça au montage. Nos échanges étaient parfois confus. Pour clarifier, ouvrez juste l’article Wikipedia qui reprend une série de bonnes références en bas de page.
MAIS avant ça…

Nous disions donc, une simple plaque de frigolite découpée et peinte, munie de quelques ampoules.
Une toute petite blague entre collègues qui a pris une tournure pour le moins inattendue. Ce qui me fascine, c’est que Patrick ait été capable de mentir à autant de personnes sans trembler, pendant autant d’années. On parle d’inventer une histoire et de s’y tenir face aux caméras de journalistes, aux interrogatoires de militaires, aux questions de scientifiques…
Derrière, il se confiera justement sur l’impact de ces aveux médiatiques en 2011. Une décision prise « sur un coup de tête », me confie t-il, au volant de sa voiture, sur le retour des vacances, avec sa nouvelle épouse et son fils (uniques personnes, avec le collègue de l’époque et l’ex-épouse, au courant du colossal secret).
« J’en avais marre, la blague avait assez duré. J’y pensais souvent et je voulais passer à autre chose. Dès qu’on est arrivés à la maison, j’ai contacté RTL et me suis présenté comme l’auteur de la photo. Même eux ne me croyaient pas au début. » Puis il ajoute, avec une fierté mal dissimulée : » La NASA s’est intéressée à ma photo. La SOBEPS a consacré des années à l’analyser. La photo était en couverture de livres. Ils étaient déçus, j’ai dû leur rendre des comptes. »

Non, la blague de Patrick n’a pas fait rire tout le monde. Coup de tête ou désir de vivre un instant de gloire, les avis sont partagés. Car il se trouve qu’à cette époque, une nouvelle vague de témoignages fait la une des médias. Serait-ce le regain d’intérêt pour les ovnis qui l’aurait poussé à sortir du bois ?
Bref. « Passer à autre chose ». Oui… Mais d’abord les projecteurs, encore : appels de journalistes, passages au JT, Unes des magazines, menaces … » Ça a été un choc pour beaucoup de gens. J’ai été menacé par des amateurs d’ufologie via des blogs, je recevais des messages violents…On me traitait de menteur, ils ne voulaient pas y croire. Je me suis coupé tout un temps d’internet, des réseaux. » S’en suivra aussi une bataille en justice pour récupérer les droits de son œuvre… En vain.
Une rapide notoriété, une histoire à raconter, une boite à souvenirs dans l’armoire du salon.
À ma dernière question : » Et toi, tu y crois aux ovnis? « , il me répond avec sérieux : » Moi… oui… j’y crois, enfin, peut-être pas un triangle ou une soucoupe volante, mais l’univers est trop vaste pour qu’il n’y ait que nous. » Sage conclusion.
POURQUOI EN PARLER PRÈS DE 3 ANS APRÈS CETTE RENCONTRE ?
Lorsque j’ai entrepris de rencontrer et filmer Patrick en 2023, de là je rêvais secrètement de faire de cette histoire un projet plus conséquent. À ce moment, nous étions, avec Quentin Noirfalisse, en pleine réalisation du film « Après la pluie« , et je travaillais également sur « Rien que la vérité« . Cette période ultra chargée m’a fait mettre le projet au placard. Quand je me suis, récemment, décidé à ressortir le dossier, j’ai effectué quelques recherches et découvert qu’un documentaire venait juste de sortir en salle : » Ovnis : le mystère belge » (Bram Conjaerts et Maarten Bernaerts, aout 2025). D’autres avaient mis l’idée à exécution. Ma rencontre n’en reste pas moins unique et, puisqu’à présent j’ai ce blog pour partager des histoires, c’est une belle manière de fermer le chapitre.
D’ailleurs, voici la bande-annonce de ce film que j’aurais voulu faire (rires et regrets :)) et son affiche (ci-dessous). Notez qu’il existe aussi une fiction inspirée de cette vague belge, sortie en 2023, « The Belgian Wave« , de Jérôme Vandewattyne. Pas étonnant que le phénomène ait inspiré du monde…

Mais rien n’est jamais perdu ! J’ai pris du plaisir à mener mon enquête, ça sera une histoire à raconter à mes enfants. Mieux : vous pouvez à présent tous.tes la raconter à qui vous le souhaitez !
Derrière chaque création artistique consommée sur un écran (un film, un morceau de musique, un dessin, une peinture, une photographie…) se cachent des histoires, de l’engagement et de l’énergie. C’est ce qui rend la création artistique unique : le chemin est souvent aussi captivant que le résultat, seule face visible pour le public. C’est en tout cas mon ressenti et c’est ce chemin que je voulais partager avec cette histoire d’ovni improbable. Une invitation de plus à sortir de la « création fast-food », par notre attention portée aux choses, par le tri de ce qui nous est proposé ou imposé.
Allez, on se retrouve en 2026 !
D’ici là, n’hésitez pas à naviguer sur ce site. Je suis disponible pour certains projets de commandes et ouvert aux collaborations. J’explique tout ça sur cette page…
Qui sait, l’année prochaine nos chemins vont peut-être se croiser !
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A très vite !
Jérémy


